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  • Noël

    lundi 22 décembre 2014
    Maxime Allard O.P.

    Noël. Christmas. Weihnachten. Chacun de ces mots, pour désigner le même jour, est porteur d’une étymologie différente : le français retient l’idée de naissance; l’anglais celle d’une messe spéciale ce jour-là pour le Christ; l’allemand attire l’attention sur la « nuit de grâce ». Les peuples célébrant dans ces trois langues ont retenu un aspect qui parlait plus ou celui que les autorités ecclésiastiques souhaitaient qu’ils conservent et méditent.

    De nos jours, des mots moins marqués par la foi et les pratiques des Églises et communautés chrétiennes sont mis de l’avant pour désigner ces jours-là. Certains s’en réjouissent. D’autres sont chagrins. Peu me chaut… Il y a célébrations, reconnaissances et gestes gracieux même si et là où la commercialisation tient une place importante! La paix sera louée et réclamée de manière intermittente, certes, mais elle sera rappelée, appelée de nos voeux. Et ces appels sont d’autant plus soutenus que l’état de guerre et d’injustices perdure dans bien des endroits de notre planète.

    Dans la sphère ecclésiale, les interprétations de l’origine et du sens de la fête liturgique de « Noël » varient. Une vieille théorie romantique voudrait que la fête soit la christianisation des Saturnales romaines entourant le solstice d’hiver. Une théorie plus récente critique cette vision et remet Noël en lien avec les développements complexes du calendrier liturgique au cœur duquel la fête de Pâques est centrale. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit, au fond, de marquer l’importance de rythmer liturgiquement et socialement la mémoire d’une « bonne nouvelle ».

    Il s’agit de signaler régulièrement l’importance de croire que la « paix », la réconciliation, le salut et le bonheur sont inscrits au cœur du dessein de Dieu pour l’humanité… et que cela peut être vécu par intermittence!

    En ce sens, qu’on parte des mots et de leurs histoires, des enjeux théologiques et politiques, des diverses facettes des réjouissances sociales et familiales, il y a matière à réfléchir pour relancer un vieux questionnement : qu’est-il permis d’espérer, d’attendre raisonnablement? Un peu de déraison et d’exubérance dans l’espérance et sa célébration, est-ce mal? Je ne crois pas. Cela soutient l’espérance et relance le désir de paix.

    Je vous souhaite de joyeuses nuits éclairées par la grâce de la fête et des retrouvailles. Qu’elles soient autant de raisons d’espérer.

    Je vous souhaite, au cœur de vos rencontres festives, d’entrevoir la possibilité que naisse un monde meilleur!

    Joyeux Noël! Merry Christmas! Frohe Weihnachten!

     

  • Journée internationale de la philosophie

    jeudi 20 novembre 2014
    Maxime Allard O.P.

     

    Il y a la journée de la bière, celle du chocolat. Il y a la journée des femmes, celle des mères, des pères, des grands-parents. Puis il y a la journée de la philosophie!

    Socrate en aurait été étonné et aurait passé cette journée à demander à ses compatriotes « qu’est-ce que la philosophie »? Thomas d’Aquin aurait profité de l’occasion pour intensifier son travail de commentateur d’Aristote. Descartes aurait passé la journée à correspondre avec des gens du monde entier sur les problèmes de mathématiques, de métaphysique ou de médecine. Spinoza, occupé à polir des verres ou à la rédaction de scholies pour l’Éthique, n’aurait pas vu la journée passé. Mersenne aurait été débordé ce jour-là! Leibniz, Kant et les philosophes de Lumières se mordent probablement les doigts de ne pas y avoir pensé! Car quelle belle occasion d’appeler à la réflexion critique et citoyenne. Hegel aurait spéculé sur l’opportunité d’une journée et aurait pu montrer qu’en elle l’Esprit se manifeste sans recourir aux représentations! Et que dire des plus récents philosophes? Je ne crois pas que Wittgenstein ait été intéressé par une telle célébration et sa prise en charge médiatique. Adorno aurait eu peur que la philosophie puisse être transformée en bien de consommation pour les masses! Les philosophes vivants? Ils donnent probablement des conférences ce jour-ci!

    Il n’y a jamais eu autant de forums de philosophie, de livres, de conférences et de colloques, d’hommes et de femmes engagés dans des facultés et départements de philosophie! Il y a de quoi se réjouir. En Ontario, des cours sont désormais offerts en douzième année dans plusieurs écoles. Au Québec, régulièrement, comme un spectre, l’idée de retirer la philosophie des CEGEPS réapparaît! Heureusement, le passage à l’acte n’a pas eu lieu!

    Ce qui compte, c’est que la philosophie et son patient travail pour reformuler de manière critique les questions qui hantent et taraudent les humains soient reconnus. Mais cette reconnaissance n’est jamais assurée : des gouvernements auront toujours peur des mises en question philosophiques; des individus et des groupes préféreront toujours jouer à l’autruche plutôt que d’accepter que leurs illusions soient démontées, exposées pour ce qu’elles sont; des religieux auront toujours peur des effets du travail de la raison pour leurs croyances et leurs gestions du sacré!

    Ce qui compte, enfin, c’est le plaisir que des hommes et des femmes prennent à initier des jeunes et des moins jeunes à la philosophie et leur en donnent le goût! Goût de la question. Goût de la quête. Goût de recevoir des idées stimulantes, irritantes ou fascinantes, dans des textes qui ne relèvent pas de la pensée toute faite, des impératifs du 140 caractères et du slogan rassurant!