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« Ni homme ni femme » : Entrevue avec Michel Gourgues, o.p.
vendredi 18 juillet 2014Jésus défend la femme adultère.
« L'essentiel » (E.) - Votre livre, «Ni homme ni femme ». L’attitude du premier christianisme à l’égard de la femme. Évolutions et régressions, porte sur la place de la femme dans le Nouveau Testament. N’y a-t-il pas eu déjà pas mal d’ouvrages sur ce sujet?
Michel Gourgues (M.G.) - Oui, surtout en anglais. Et surtout aux États-Unis, en particulier depuis les années 1980. Mais ma surprise a été de constater qu’il n’existe finalement que très peu d’ouvrages de synthèse, que ce soit en français ou même en anglais. C’est ce que j’ai voulu faire; et selon une approche qui, à ma connaissance, n’a pas été utilisée vraiment.
E. - Quelle est cette approche?
M.G. - Je l’explique au début de mon livre. Il s’agit de retracer dans une perspective évolutive l’attitude du christianisme des origines à l’égard de la femme en abordant le témoignage du Nouveau Testament selon un ordre chronologique. Voir d’abord quelle a été l’attitude de Jésus, puis, à sa suite, celle des communautés, sur une période couvrant en gros trois générations, depuis les années 30 jusqu’à la fin du premier siècle.
E. - L’attitude de Jésus nous est connue par les évangiles. Mais les évangiles ont été rédigés de 40 à 60 ans après Jésus…
M.G. - C’est vrai. Ce dont témoignent les récits évangéliques, c’est de l’attitude de Jésus à l’égard des femmes telle qu’elle subsistait dans la mémoire des disciples. Ce qui reste très frappant, c’est l’unanimité du témoignage. De différentes manières, tous attestent comme allant de soi que la proclamation du Règne de Dieu par Jésus, à travers son enseignement et son activité, a été ouverte à tous et en particulier qu’elle n’a pas fait de différences entre hommes et femmes.
E. - Il reste que, parmi les disciples que Jésus a choisis pour les associer de plus près à sa vie et à sa mission, il n’y avait que douze hommes.
M.G. - Pourquoi seulement des « pêcheurs d’hommes » et pas de « pêcheuses »? Nous ne parlons plus ici des destinataires de la mission de Jésus, mais des collaborations dont il s’est entouré pour l’exercer. Pourquoi n’a-t-il choisi que des hommes? Cela répond-il à des motifs d’ordre théologique ou s’explique-t-il simplement à partir de la conception et de la pratique des rapports sociaux qui existaient à l’époque? Il est bien difficile de répondre. S’ils rendent compte clairement du fait, les récits évangéliques n’en fournissent guère de justification, ni d’ordre théorique, ni d’ordre pratique. S’il faut chercher une explication, ce ne peut être qu’à partir des données explicites des évangiles, en particulier de ce qu’ils décrivent de la mission que Jésus a confiée aux Douze.
E. - Comment caractérisez-vous cette mission?
M.G. - Pour l’essentiel, elle se situe dans l’ordre de la parole, de la proclamation publique d’un message religieux, tout condensé en l’occurrence dans la bonne nouvelle de la venue du Règne de Dieu. C’est la composante fondamentale du ministère des Douze. Composante verbale à laquelle se joindrait, comme dans le ministère de Jésus lui-même, une composante non-verbale faite d’actes de puissance appuyant et illustrant la parole. Ce ministère en serait un de type itinérant, soit que le groupe entier accompagne Jésus dans ses déplacements, soit que les disciples soient envoyés par petits groupes « à travers villes et villages ». Un des lieux privilégiés de l’exercice du ministère de Jésus avec les siens serait la synagogue, lieu par excellence de la proclamation de la parole. Était-il pensable qu’au temps de Jésus, en milieux juifs, un tel ministère ait été exercé par des femmes? Les études sur leur place dans la société juive d’alors soulignent la place réduite qui leur était faite dans l’ordre de la parole publique, notamment à la synagogue, où elles étaient exclues de la simple lecture des Écritures. N’avons-nous pas là déjà un facteur suffisant pour expliquer que des femmes n’aient pas été associées au type particulier de ministère qui fut celui de Jésus? Ce facteur est avant tout d’ordre sociologique et culturel. Est-ce bien lui qui a joué de façon décisive et était-il le seul? Les données dont nous disposons ne permettent pas de répondre, me semble-t-il.
Saint PaulE. Il faut bien en venir à s. Paul… Il n’est pas le préféré des femmes!
M.G. - « Saul, Saul, pourquoi nous persécutes-tu? »! En réalité, si on se donne la peine de bien regarder les textes, on se rend bien compte que la misogynie de Paul est un cliché sans cesse rabâché mais simpliste. En particulier si l’on considère ses premières lettres, qui sont certainement de lui, spécialement la première aux Corinthiens. On y trouve trois passages révélateurs de son attitude à l’égard des femmes. Le premier se trouve en 1 Co 7,2-5. Il traite du mariage considéré sous l’angle particulier de la rencontre sexuelle. Les Corinthiens avaient questionné Paul à ce sujet. Dans sa réponse, il situe maris et femmes dans une parfaite réciprocité : ce qui est affirmé comme droit ou devoir du mari l’est ensuite à propos de la femme. Le second passage se trouve en 1 Co 11, où Paul aborde la question de la tenue des hommes et des femmes dans les assemblées de prière chrétienne. Il est clair que, quand il demande aux femmes de se couvrir la tête pour la prière, il ne le fait pas au nom de l’Évangile. Il ne faut donc pas mettre cette position sur le même pied que celle qu’il exprime dans le même passage aux versets 4-5, selon laquelle la femme peut prier et prophétiser au même titre que l’homme dans l’assemblée liturgique.
E. - Mais n’y a-t-il pas encore tous ces passages où Paul prescrit la soumission de la femme à son mari?
M.G. - Cela vient plus tard. C’est dans la dernière couche de la correspondance rattachée à s. Paul, dans les lettres postérieures aux années 50, qu’une régression se laisse observer.. Dans deux d’entre elles, les lettres aux Colossiens et aux Éphésiens, on note une différence. Jusque là, on s’en tenait à affirmer le spécifique chrétien concernant les rapports hommes-femmes. À partir de là, tout en continuant de proclamer l’égalité des deux sexes devant Dieu, on fait entrer en ligne de compte l’ordre social tel qu’il était vécu alors. Selon cet ordre, bien attesté chez nombre d’auteurs de l’époque, la femme était soumise à son mari, comme les enfants l’étaient à leurs parents et les esclaves à leurs maîtres. Plions-nous à ces règles, disent les chrétiens, mais n’oublions cependant pas qu’entre nous il n’y a pas de différence. C’est la deuxième étape. Finalement, avec la première lettre à Timothée, sans doute postérieure à Paul, on en arrive à importer le modèle social à l’intérieur même des communautés chrétiennes et à prôner la réduction au silence des femmes dans les assemblées de prière (1 Tm 2,9-15).
E. - Comment expliquer une telle évolution à partir de l’attitude extraordinairement ouverte de Jésus?
M.G. - Il doit y avoir là un effet pervers de ce que nous appellerions aujourd’hui un phénomène d’inculturation. La foi n’existe pas dans les airs. Elle doit tenir compte des mentalités et des conditions socio-culturelles dans lesquelles elle a à se vivre et à se dire. Mais cela peut être une arme à deux tranchants. En considérant l’évolution dont témoigne le Nouveau Testament, on a l’impression que l’accommodement des premières générations chrétiennes aux structures et aux pratiques sociales de leur temps a émoussé chez elles la conscience et l’affirmation concrète de la nouveauté évangélique en ce qui concerne la dignité et la participation égale de la femme à la vie des communautés. Tout se passe comme si l’assimilation de valeurs et de mœurs du milieu ambiant avait amené à mettre en veilleuse quelque chose du spécifique chrétien, à perdre de vue le fait que, dans le Christ, « il n’y a plus ni homme ni femme »..
E. - Votre étude pose la question de la place des femmes dans l’Église de nos jours. L’abordez-vous dans votre livre?
M.G. - Étant exégète du Nouveau Testament, je m’en suis tenu strictement à mon domaine. Mais il est évident que cela a des implications pour des questions d’aujourd’hui, en particulier celle de l’accès des femmes aux ministères ordonnés. La lecture différente qu’en font les Églises chrétiennes laissent pressentir le caractère complexe du témoignage néotestamentaire. Cette complexité me suffit déjà…
* Cette entrevue est parue d’abord dans le numéro du printemps 2014 de la revue L'essentiel. Nous publions cette entrevue grâce à la collaboration de Michel Gourgues et de la Fondation du Collège universitaire dominicain.
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With age comes wisdom? Maybe...or maybe not.
jeudi 10 juillet 2014Bust of Aristotle and drawing of Athena, Greek goddess of wisdom
“Wise old…”–hum!!
One hears that wisdom comes with experience. Youth would not be a time for wisdom! That would be Greek wisdom… and its bourgeois avatar! At the other end of the spectrum, one also hears of the wise comments of the very young ones, of the ones that have remained “child-like”! These little ones would be like Jesus, the teenager, in the Temple (Luke 2, 46-47)! They have not been corrupted by life, disgruntled by sad and traumatic experiences. There is freshness! This would be a certain Christian wisdom… and its contemporary bourgeois avatars!
The “old” are not necessarily wise. One should meditate Aristotle’s description of their social emotions in his second book of the Rhetoric! The “young” are not necessarily wise either. Check out the same book of the Rhetoric! Aristotle was very realistic in his view of the strengths and weakness of character that one generally finds in youth and in seniors! Wisdom does not come with age nor is it something that pops up, intermittently, in little ingénues! Wisdom requires meditating on what one has felt, seen, learned. It requires a meditation that questions critically! And, however good and praised a reflexive-life might be (at least since Socrates’ time), on the whole, one is quite content to live on without the exhausting thought process. Precipitation, inconsistency and neglect are quite common vices[1]… in all periods and walks of human life.
In Sophocles’ tragedy, Creon, old, controlling, power-hungry, disillusioned, has no more wisdom than young, utopian, vibrant, righteous Antigone, whichever interpretation you choose to give to their encounter, confrontation, collision, fatal dialogue.[2] But there lies a road for us to explore.
Antigone stands before Polynices
Wisdom is a question of disposition. But, let’s not give in to romantic images of dialogue. Wisdom comes from agonic debates where the protagonists dare listen to both Creons and Antigones of this world! Life and death situations might be at stake… and their impact on family, social and political aspects of the human experience. In that sense, one does not become wise alone. Inscription in a community of debates between men and women is required. Confrontations of old and young people are not to be avoided. Tough–often unsatisfactory and unfair–struggles and decisions are unavoidable between the rich and the poor. Why? Because wisdom is not primordially the accumulation of truths, of universal principles and of exemplary stories or fables. In that sense, wisdom is not the fruit of speculative reason’s feats or of history’s meditated “lessons”. Wisdom is, foremost, a breath of vision that aims at orchestrating concrete and diverse possibilities in a torn world. It is doing this without being limited to the “application” of one set of immutable principles. In music, one may choose to orchestrate like Bach, Mozart, Wagner, Strauss or like Schönberg, Webern or Boulez! The wise one will be able to figure out which orchestration is appropriate when and for whom and to what end!
Some get to this point quickly. Some painstakingly make it. Some never get it! Engaging oneself in philosophy or theology – amongst other university disciplines and experiences – may help one on the way!
[1] Thomas Aquinas, Summa theologiae, IIaIIae, q. 53 and 54.
[2] Sophocles, Antigone and G. Steiner, Antigones: How the Antigone Legend has Endured in Western Literature, Art, and Thought, Oxford, 1986.