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  • Souvenirs de Marie-Dominique Chenu, dominicain (1895-1990)

    vendredi 06 novembre 2015
    Louis Roy, o.p.

    Ce théologien français influença grandement la pensée des professeurs et étudiants du Collège universitaire dominicain. Au cours des années 1930, il fonda à Ottawa l’Institut d’études médiévales, relocalisé par la suite à l’Université de Montréal. Il fut l’un de ceux qui, au XXe siècle, introduisirent la méthode historique en théologie catholique ; il encouragea de jeunes érudits – canadiens et autres – à publier des études marquées par cette méthode.

    En 1942, inquiété par cette méthode, le Saint-Office (aujourd’hui appelé la Congrégation pour la doctrine de la foi) interdit la circulation de son manuscrit intitulé Une école de théologie : Le Saulchoir et lui ordonna de cesser tout enseignement. Bien des années plus tard, dans une rencontre avec les étudiants dominicains à Ottawa, il nous confia : « Pendant la Deuxième Guerre mondiale, alors que nous, à Paris, étions sous la botte de la Gestapo, affamés et réduits à manger de la viande de chien et de chat, les fonctionnaires du Saint-Office, sans penser à notre situation misérable, continuaient leur petit travail routinier et nous assénaient un coup dur. »

    N’ayant pas été nommé officiellement expert au concile Vatican II, il rencontra par hasard un de ses anciens élèves, devenu évêque à Madagascar, qui lui demanda : « Alors, père Chenu, nous nous reverrons sous peu à Rome ? » Et entendant son vieux maître lui avouer qu’il n’avait pas été invité, l’évêque lui déclara : « Dans ce cas, vous serez mon expert ! » Ce qui fit dire à Chenu : « Je suis entré au concile par la petite porte d’en arrière ! »

    Chenu était imprégné de la théologie de Thomas d’Aquin, à propos de laquelle il écrivit de nombreux livres et articles. Appuyé sur de solides bases philosophiques et théologiques, il était capable d’actualiser les intuitions thomistes et de se montrer pionnier dans des sujets fort importants au XXe siècle, par exemple l’attention aux signes des temps ou la théologie du travail.

    En 1968, l’année des effervescences étudiantes dans bien des pays occidentaux, Chenu nous enseigna, au Collège universitaire dominicain, deux cours : l’introduction à la théologie en général et la Constitution pastorale « L’Église dans le monde de ce temps » (Gaudium et Spes) du concile Vatican II. Il donna également une conférence à l’Université Saint-Paul, qui fut un triomphe.

    Dans ses cours, nous avons apprécié sa synthèse théologique. Comme elle insistait plus sur la création et l’incarnation que sur la rédemption (au moins dans son acception moderne), il nous raconta le fait suivant. On sait qu’au concile les théologiens catholiques et protestants travaillaient ensemble à préparer des textes pour les évêques. Or, un jour ceux qu’on appelait – sans aucune ironie, remarquons-le – « les frères séparés » déclarèrent à leurs alliés catholiques : « Nous ne marchons plus avec vous ! » Stupéfaits, ceux-ci demandèrent à leurs amis calvinistes quelle était la raison de cette divergence. Ces derniers répondirent : « Vous êtes trop optimistes ; vous n’accentuez pas assez la nécessité de la rédemption. » En nous rapportant ce fait, à nous ses étudiants, Chenu manifestait son souci de nous rendre critiques même à l’égard de sa propre pensée ; de la sorte, il nous faisait partager sa grande liberté intellectuelle.

    Je le retrouvai en 1981 à Paris, au couvent Saint-Jacques. Au début de ce qui fut une assez longue conversation, il me posa plusieurs questions sur mes activités. Comme visiblement il s’intéressait à ce que j’étais devenu, moi, son ancien élève, je le mis amicalement à l’épreuve en lui disant : « Père Chenu, cessez de m’écouter ; je ne suis qu’un blanc-bec par rapport à vous, un grand théologien ! » M’entendant dire cela, il devint tout sérieux et il me répliqua : « Le dialogue est une dimension constitutive de mon essence humaine. »

    Étant extrêmement sociable, Chenu se motivait grâce à ses relations interpersonnelles. Et pourtant, il nous confia un jour que ce qui le soutenait, c’était son heure quotidienne d’oraison. Il nous expliqua, en effet, que sans ce temps de prière, qu’il faisait en marchant au jardin, il n’aurait pas tenu le coup au milieu des épreuves que les hommes d’Église lui causaient.

  • Que penser du projet de l'Université Franco-Ontarienne?

    vendredi 30 octobre 2015
    Jean-François Méthot

    Que penser du projet de l’Université Franco-Ontarienne?

    Du 22 au 24 octobre, se tenait le Grand rassemblement annuel de l’AFO (Assemblée de la francophonie de l’Ontario) à Toronto. J’y étais pour représenter le CUD avec les partenaires du CUFO (Consortium des universités de la francophonie ontarienne). À l’initiative de Solange Belluz de Glendon, les membres du CUFO se sont rassemblés pour participer à un atelier portant sur l’engagement communautaire de l’Université - un de ses mandats spécifiques, en plus de la formation et de la recherche. On y a présenté nos établissements ainsi que de beaux exemples de nos efforts et réalisations en matière de relations et de développement communautaires.

    Vous comprendrez que cette discussion se tient en arrière-fond des revendications en vue d’une université Franco-Ontarienne. Voilà certes une question difficile qui se pose à nous en tant qu’universitaires franco-ontariens, francophones ou francophiles d’ici et d’ailleurs, qui œuvrons dans les universités francophones et bilingues de l’Ontario. Cette nouvelle université serait-elle créée de toutes pièces, comme le furent La Cité et le Collège Boréal? Serait-elle assemblée par des parties ou programmes des autres universités de l’Ontario? Comment se répartirait le financement des universités? Pourraient-elles maintenir leurs programmes d’enseignement, leurs activités de recherche et leur service à la communauté, à côté de la nouvelle université?

    Une des demandes centrales des groupes qui militent en faveur d’une université franco-ontarienne concerne la gouvernance, réclamant une université « par et pour ».  Cette réclamation traduit un désir tangible d’engagement dans l’université par la communauté. Mais comment pourrait-il prendre forme? Le «  pour », on comprend : une université francophone pour étudiants francophones. Mais le « par », comment doit-il se traduire? Un personnel et un corps enseignant parlant français? Une exclusivité de la langue française dans les instances de gouvernance? C’est en gros ce que nous avons présentement au CUD, d’autant plus que nous avons adopté une « politique d’aménagement linguistique » (PAL) qui fait du français la langue de travail de toutes nos instances de gouvernance.

    En revanche, c’est un vieux rêve, cette université : une pétition la réclamait déjà quand j’étais étudiant à l’École Secondaire Charlebois à Ottawa, il y a plus de quarante ans de cela. Et sans doute que toutes les institutions bâties par une minorité linguistique ont commencé comme des rêves : paroisses, écoles, hôpitaux, collèges, universités et combien d’autres encore. J’admire donc les jeunes (et les moins jeunes) qui militent et continuent le combat. Mais, en même temps, quel en sera l’impact sur les établissements que nous avons maintenant : faudra-t-il sacrifier ou fragmenter de belles institutions qui ont servi  leur communauté contre vents et marées depuis plus d’un siècle et demi?

    Les partenaires du CUFO croient qu’ils peuvent multiplier les efforts de collaboration pour offrir à toute la communauté franco-ontarienne des programmes d’études universitaires de qualité partout en Ontario. Le CUD partage maintenant des cours en vidéoconférence avec l’Université de Sudbury et l’Université Saint-Paul. Nous allons offrir un séminaire d’études supérieures en collaboration avec le Collège universitaire Glendon. Nous entamons un projet d’arrimage de cours et de programmes avec La Cité. Ces initiatives se décuplent entre les universités et les collèges.

    Dans la conjoncture actuelle, la collaboration entre les institutions postsecondaires semble plus prometteuse qu’une concurrence déréglée sur l’ensemble du territoire avec des dédoublements de programmes et de cours. Au CUD, ce me semble, nous aimerions mieux partager nos cours, en présentiel ou en ligne, avec nos partenaires de toutes les régions de l’Ontario, pour faire connaître et apprécier nos disciplines, la philosophie et la théologie.

    On verra sans doute apparaître au fil des mois -et probablement des années- divers modèles de cette institution avec des scénarios de financement, de gouvernance, de programmes d’études, d’accès et de mobilités étudiantes et combien d’autres aspects de l’université d’aujourd’hui. Il nous reviendra alors d’en discuter avec sérieux et sérénité.

    J’espère que ce blog ouvrira chez nous une conversation entre nos étudiants et étudiantes, nos collègues et amis, et la communauté que nous voulons servir plus et mieux (« pour ») et accueillir et intégrer dans la vie de notre Institution (« par »). Nous avons besoin d’y penser ensemble comme communauté universitaire.

     

    NOTA : CUFO : Université de Hearst, Université de Sudbury, Université Laurentienne,  Université Saint-Paul, Université d’Ottawa, Collège universitaire Glendon, Collège universitaire dominicain.

    Nouvelles récentes : http://www5.tfo.org/onfr/luniversite-franco-ontarienne-prend-sa-place-da...

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